Le temps file, déjà un mois que nous sommes revenus de notre aventure dans la jungle.
Nous avons fait une dizaine de jours dans un village avec un atelier orthopédique, mis sur pied pour venir en aide aux personnes qui ont perdu leur jambe à cause de la guerre et de mines antipersonnel. L’objectif est de les encourager dans leur travail et de leur donner quelques outils supplémentaires pour approfondir leurs connaissances professionnelles en leur présentant et en testant diverses techniques.
La plupart des techniciens qui font les prothèses de jambe sont eux-mêmes amputés et fabriquent les prothèses avec les moyens du bord, c’est-à-dire avec un équipement minimum. Ils sont même capables de faire une prothèse de jambe sans électricité, ce qui est vraiment impressionnant. En les observant au début, je me suis demandé ce que je pouvais bien leur apporter dans leur contexte si spécifique et avec une autonomie de mouvements incroyable.
En effet, je les voyais grimper, escalader… des murs, porter une personne sur leur dos avec leur prothèse, malgré leur amputation. De plus, lorsque je leur demandais s’ils avaient des douleurs avec leur prothèse, ils me répondaient que non car ici, c’est la personne qui s’habitue à sa prothèse… on est loin du concept où la prothèse doit s’adapter au patient!
Cependant, au fur et à mesure, les éléments qu’on pouvait amener se sont faits plus clairs, et nous avons pu commencer la formation.
En donnant cette formation, j’ai été défié dans ma manière d’amener les choses lorsque je les voyais travailler. Culturellement, il est impoli de montrer directement l’erreur d’une personne, ce serait comme dire d’une personne qu’elle est nulle! Ceci m’a rappelé le conseil d’un ami suisse travaillant au Myanmar depuis plus de 10 ans qui m’a confié qu’il dirigeait son équipe en posant des questions pour qu’au final, la solution au problème vienne d’eux-mêmes. Un concept génial, mais difficile à mettre en pratique pour moi qui aime en général dire les choses telles qu’elles sont! Toutefois, en étant sensible à cela, j’ai vu le respect et la confiance grandir au fil des jours et finalement avoir une plus grande liberté pour leur donner des conseils.
D’ailleurs, un des techniciens m’a demandé si je pouvais lui refaire sa prothèse, et au-delà du plaisir de remettre la main à la pâte, j’ai été reconnaissant d’avoir une occasion de pouvoir leur montrer de façon très pratique des techniques pour leur permettre de progresser dans l’appareillage. A l’essayage de la prothèse, j’ai été soulagé et reconnaissant de voir que la prothèse a tout de suite été adoptée par son propriétaire, sans quoi les nouvelles techniques apportées auraient perdu en crédibilité!